Le monde globalisé dans lequel nous vivons possède sans doute de nombreux côtés positifs. Mais pas seulement. Certains considèrent comme de sérieux désavantages l’aspect immédiat de l’information, de même que le quasi inévitable dépassement de leurs « frontières » des conflits « locaux » ou « régionaux » : ces certains auraient préféré vivre en les ignorant. Cela devient toujours plus difficile.
Une vague de réactions consécutive à l’attaque terroriste du Hamas contre l’Israël et à la riposte musclée de ce dernier a couvert la Suisse. Qu’a-t-elle apporté sur nos rivages ?
Dans ma précédente chronique, je vous ai parlé des graffiti antisémites apparus à Genève bien avant le sanglant 7 octobre – ceci dans l’espoir d’attirer l’attention d’une partie des électeurs. Je vous ai également parlé de la pression exercée par la majorité des partis politiques sur le Conseil fédéral afin que la Suisse reconnaisse le Hamas en tant qu’organisation terroriste.
Depuis, lors de sa séance du 11 octobre 2023, le Conseil fédéral a « décidé de créer une task-force afin de suivre au mieux la situation et de prendre les décisions nécessaires » ; le Département fédéral ders affaires étrangères (DFAE) et la compagnie d’aviation SWISS ont organisé quatre vols spéciaux destinés à rapatrier les Suisses se trouvant en Israël ou à Gaza ; enfin, le 13 octobre, au CERN, Ignazio Cassis a reconnu que le moment n’était pas propice pour proposer les « bons offices » de la Suisse. Tout cela a donné l’espoir à ceux qui prônent que la Suisse doit appeler le chat un chat. Un chat noir. Mais ce souhait n’est pas partagé par tout le monde.
Ainsi, dans les pages de La Liberté, le sociologue Riccardo Bocco, enseignant à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) estime que la Suisse commettrait une « grande erreur » en qualifiant le Hamas d’organisation terroriste, car cela couperait tout dialogue avec les Palestiniens ; un dialogue qui, selon lui, se passe « à Genève, au siège de l’ONU ». Je suis surprise que ce spécialiste du Proche-Orient identifie, de toute évidence, le Hamas avec le peuple palestinien et qu’il ignore le fait que le Palais des Nations et toutes les autres organisations onusiennes qui se trouvent à Genève, sont les « E.T » : formellement, elles ne se trouvent pas sur le sol helvétique. Dans certains cas particulièrement complexes, une telle approche formelle s’avère très utile, nous en connaissons les précédents.
Le 13 octobre également, le DFAE a confirmé qu'un ressortissant israélien, également détenteur de la nationalité suisse, a été tué lors des attaques terroristes du samedi 7 octobre. L'homme vivait en Israël depuis 2004. Le lendemain nous avons appris qu’une dame suisso-israélienne est sans nouvelles de son mari depuis le même 7 octobre.
Malgré ces faits et tous les scènes d’horreur qui ont eu lieu en Israël, de nombreux tags à caractère antisémites sont de nouveau apparus ces derniers jours sur les murs de Genève : vu la gravité de leur propos, samedi dernier les équipes spécialisées de la voirie ont été mobilisées pour les effacer sur les édifices publics, le mobilier urbain et quelques immeubles privés. Marie Barbey-Chappuis, la conseillère administrative en charge du Département de la Sécurité et des Sports, a annoncé que la ville « déposera plainte et mettra tout en œuvre pour interpeller ceux qui confondent la cause palestinienne et la justification du terrorisme ».
Samedi dernier également les responsables des villes de Bâle et Zurich ont interdit les manifestations pro-Palestine qui y étaient prévues. À Berne, en revanche, samedi après-midi, plusieurs centaines de personnes – pas plus de 500 selon l’agence Keystone – ont, avec l’autorisation de la Ville, manifesté sur la Schützenmatte leur solidarité avec le peuple palestinien, forts de slogans tels que « Vive la Palestine » et « Israël – état terroriste ».
À Genève, les manifestants ont été beaucoup plus nombreux : samedi en fin de journée et sous escorte policière, le défilé au départ de la place de Neuve a réuni quelque 6000 sympathisants de la cause palestinienne. Ou celle du Hamas ? Comment les distinguer, les dissocier ? « Nous allons continuer à prendre la rue », a prévenu un des manifestants cité par la Télévision suisse romande (RTS). Voilà une perspective agréable ! Entre temps, une des réclamations émanant de manifestants a déjà aboutie : le Union Européen a promis de tripler l’aide humanitaire à Gaza.
Si nous devions suivre la logique du professeur Bocco et identifier les terroristes et les Palestiniens, un tel soutien public dans la ville de Calvin paraîtrait incroyable. Surtout après qu’en France voisine, le même jour, le Louvre, Versailles et la gare de Lyon où arrivent les trains de Genève durent être évacué à la suite des menace terroristes. Après également qu’à Arras un tchétchène de 20 ans ait poignardé un enseignant dans la cour d’une école : un enseignant qui n’était pas même Juif, mais « un français innocent » – pour utiliser l’expression de l’ex-premier-ministre Raymond Barre lors d’un attentant à la rue Copernic à Paris en 1980.
Un enseignant français a été tué. Un enseignant d’histoire, que certains préfèrent d’oublier, de modifier, de « corriger ». Cette tragédie m’a amenée à m’intéresser à la réaction des établissements académiques suisses au massacre des Juifs en Israël. J’ai constaté que, par rapport à la réaction forte, unanime et sans équivoque lors de l’agression russe contre l’Ukraine – la réaction juste et nécessaire, ça va sans dire – elle se fait cette fois beaucoup plus discrète, voire inexistante. Les home pages des universités de Genève, de Lausanne et de Zurich affichent les drapeaux ukrainiens et pas un mot sur l’acte terroriste en Israël. L’École internationale de Genève s’est, elle, contentée d’un message évasif.
Mais c’est la déférence d’approche de l’École hôtelière de Lausanne (EHL) qui m’a le plus surprise. Voici les deux messages reçus par ses élèves à l’intervalle de 18 mois :
Comment qualifier la différence flagrante entre eux ? De lâcheté ? D’indifférence ? De tentative de se cacher dernière la neutralité ? De deux poids deux mesures ? Ou d’une prise de position bien consciente ? Il se trouve que je ne suis pas la seule à me poser de telles questions. J’ai en ma possession une lettre adressée par une élève concernée au Service de communication de ladite EHL. « Pourquoi n'osez-vous pas utiliser les termes "Hamas", "terroristes" ou "attaques" ? Lorsque Al-Qaïda a perpétré les attentats contre les tours jumelles le 11 septembre 2001, laissant derrière des centaines de familles endeuillées à jamais, avez-vous qualifié cela de "conflit" ? Permettez-moi de vous montrer, avec tout le respect que je vous dois, un exemple de messages d'entreprises (Chanel) qui n'ont pas hésité à décrire les faits tels qu'ils sont : "Ces derniers jours, nous avons tous été horrifiés et profondément attristés par les attaques terroristes contre les civils israéliens". J'aurais aimé que notre école, aussi moderne que l’est l'EHL, fasse preuve du même bon sens », écrit entre autres cette courageuse jeune femme.
Avec elle, j’attends impatiemment la réponse du prestigieux établissement. Entre temps, nous avons appris, hier, qu'un professeur de l'Université de Berne qui avait publié des messages sur X saluant les attaques du Hamas a été licencié sans préavis. En outre, une enquête administrative est lancée pour l'ensemble de l'Institut d'études du Proche-Orient de ladite Université.
Et puis lundi le 16 octobre une nouvelle tragédie s’est produite : deux supporters de foot ayant assisté au match Belgique-Suède ont été assassiné. Leur assassin, un ressortissant de Tunis âgé de 45 ans, a été neutralisé après des longues heures de la suspense. Les supporters suédois sont restés au stade jusqu’au 4 h dû matin. Pourquoi eux ? Parce que ce sont les Suédois qui ont été visés : le Coran a été brulé dans leur pays il y a quelques mois. Non, ce n’est pas bien de brûler des livres, y compris des livres sacrés, mais tuer pour cela ?! Entre temps, il s’est avéré qu’une des victimes est binationale : suédo-suisse. Selon le "Blick", ce grand-père de 60 ans vivait avec sa famille à Berne et était employé aux CFF. Quelle sera la justification cette fois ? Quelqu’un oserait-t-il dire que « ce n’est pas la même chose » ? Les terroristes sont-ils rancuniers et la Suisse sera-il-il prise en cible pour la votation contre la construction de nouveaux minarets en 2009 ? Car il n’y a qu’un seul terrorisme. Il est le même partout. Et il faut le combattre partout. Ensemble. Sans attendre que le malheur des autres arrive chez vous. Chez nous.
Et la dernière chose pour aujourd’hui. Le 13 octobre The Wall Street Journal a publié une information selon laquelle une dizaine de jours avant l’attaque dû Hamas en Israël, le Jihad Islamique avait reçu près de 100 millions de dollars en cryptomonnaie sur la plateforme Garantex qui se trouve, physiquement, à Moscou. Personne d’affirme que l’argent vient dû budget russe, mais Président Poutine pouvait-il ignorer cette transaction ? Mon cœur et ma tête refusent d’accepter une telle éventualité mais comment ne pas se souvenir des propos de Giuliano da Empoli sur ceux qui sèment le chaos ?
Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.
En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels – le Forum des 100.
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