Être accréditée au sommet russo-américain c’est « super cool », comme dit mon fils. Même si on ne s’attend pas à de grandes décisions – le refus de deux présidents de tenir une conférence de presse commune et de sortir un communiqué commun annonçait assez clairement la couleur. Je doute qu’on parlera encore de cette rencontre dans 35 ans, comme on parle de celle entre les présidents Gorbatchev et Reagan, en 1985.
La Suisse est fière, et à juste titre, d’avoir été choisie comme lieu de ce rendez-vous – nous l’avions prédit il y a presque un mois, quand les parties concernées hésitaient encore entre la Suisse, la Finlande et l’Autriche. Pour moi, le choix était évident et incontournable : la tradition, la neutralité, les « bons offices ». Et quelques comptes bancaires peut-être des personnes haut-placées de deux côtés. Ce qui me frappe, c’est que vu l’importance que la Suisse attache à ce genre d’événements, qu’il n’y ait pas vraiment à Genève un endroit prévu à cet effet. D’où l’incertitude et les rumeurs jusqu’à la dernière minute quant au lieu de la rencontre.
Et l’inquiétude qui montait. En 22 ans de vie à Genève je n’ai jamais vu de tels préparatifs : les voitures blindées, les barbelés, les barricades, l’armée… Le haut gradé de fedpol a placé cette rencontre diplomatique « sous un niveau élevé de menace » et a exprimé la crainte que « les diasporas pourraient en profiter pour mener des actions ». Peut-on considérer comme « action » le graffiti du prisonnier politique Alexeï Navalny apparu dans la nuit du 14 juin sur l’immeuble 106, rue de Lyon ?
Vu mes origines et mon statut actuel, je suis vraiment, on peut le dire ainsi, assise non pas « entre » mais « sur » deux chaises – russe et suisse. Il n’est pas donc étonnant que ces derniers jours j’ai été très sollicitée par mes collègues des deux pays. Le premier téléphone est venu de Moscou, avec une demande de décrire l’hôtel Intercontinental, un des lieux possibles du sommet. D’autres ont suivis, dont le plus étonnant était une proposition d’être invitée en « live » sur la chaîne TV du Conseil de la Fédération, l’équivalent du Sénat russe. Cela a fait du bien à mon ego de savoir que mon modeste journal est suivi dans les « hautes sphères » moscovites surtout qu’il y n’a aucun lien formel avec la « Russie officielle » ni un seul sponsor russe. L’indépendance a un prix.
J’ai passé tout la journée d’hier au Centre International de Conférences de Genève (CICG) – seuls les journalistes venus avec les deux présidents ont été admis à assister à leurs conférences de presse respectives, ce qui n’est pas logique, à mes yeux. Vous aussi, vous avez sûrement suivi hier l’actualité de cette journée exceptionnelle, je ne vais donc pas répéter l’essentiel. Juste un détail qui vous a peut-être échappé : l’absence de protocole à l’arrivée du président Poutine, après toute la pompe d’accueil officiel de la veille pour le président Biden. Pourquoi ? Apparemment tel était le souhait de M. Poutine lui-même. Mais pourquoi donc ? Je n’ai pas de réponse à cette question, mais ce détail est peut-être la réponse à Joe Biden qui, la veille du sommet, comptait sur la « prévisibilité » de son interlocuteur.
J’ai fini la journée d’hier sur le plateau de la RTS et remercie mes collègues suisses pour cette occasion. Philippe Revaz m’a demandé de commenter une phrase de M. Poutine lors de sa conférence de presse – « il n’y a pas d’illusions et ne peut pas y en avoir », a-t-il dit. Je suis d’accord, un chef d’état n’a pas besoin d’avoir des illusions qui ont tendance à s’effondrer tôt ou tard. Mais il a besoin d’une vision ! Hélas, ni la vision du monde de M. Poutine, ni celle de M. Biden ne m’inspirent. Quant à la question sur le glissement de la Russie vers le statut d’un « pays secondaire » j’ai donné une réponse négative claire et nette : jamais mon pays ne sera un pays secondaire, il suffit de le regarder sur la carte du monde. D’ailleurs, sur les cartes américaines la Russie ne se trouve pas au milieu, mais ce n’est que sur les cartes américaines, et cela ne change pas la réalité. Selon les commentaires que j’ai reçus les spectateurs suisses m’ont bien comprise, et j’en suis ravie.
https://www.rts.ch/play/tv/emission/19h30?id=6454706Que dire en guise de conclusion ? Une semaine avant le sommet une collègue de Swissinfo m’a demandé mon avis sur ce que la Russie en attendait. J’ai aussitôt fait la distinction entre la Russie (c’est-à-dire le gouvernement) et les « Russes » (les gens « normaux ») car les attentes ne sont pas les mêmes. Je n’ai pas la prétention de savoir ce qui se passe dans la tête de M. Poutine mais en tant que Russe j’espérais qu’un pas au moins serait fait vers l’annulation des sanctions; un pas vers la reconnaissance mutuelle des vaccins, pour que mes amis russes puissent voyager en Europe et aux Etats-Unis… J’espérais entendre un mot sur la culture et ai même préparé une question qui concernait tous les trois pays, mais je n’ai pas eu l’occasion de la poser - le domaine culturel n’est clairement pas parmi les priorités de ces deux présidents. Dommage !
… Ils ont parlé tête à tête, ils ont prononcé chacun leur petit discours, ils sont repartis chacun de leur côté. La journée d’hier a été, certes, exceptionnelle. Sera-t-elle historique ? On verra bien.
bivaldi июня 17, 2021
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A PROPOS DE CE BLOG
Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.
En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels – le Forum des 100.
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