Le grand professionnel qui a reçu, en 2017, à New York, le prix Mauviel 1830 du meilleur directeur de salle au monde s'est confié sur sa vie et sa carrière.
Je n’ai pas besoin de vous présenter le « temple de la gastronomie suisse » : L'Hôtel de Ville de Crissier, désigné en 2015 « Meilleur restaurant du monde ». Mais une chose est de l'observer de l'extérieur ou encore, si vous avez cette chance, depuis la salle ; une tout autre de passer plus de quarante ans dans son "ventre". Pardonnez le jeu de mots…
Tel est ce qu'a vécu Louis Villeneuve, connu dans les milieux professionnels sous le nom de "Monsieur Louis" ou "l'Amiral", dont le livre autobiographique vient d'être publié aux Éditions Noir sur Blanc, à Lausanne. Son livre s'intitule Monsieur Louis, Souverain majordome – un titre qui nécessite quelques explications.
Le mot majordome vient du latin major domus et signifie « chef de la cour », ou encore gestionnaire de la maison. Dans les grandes propriétés où la gestion de la demeure peut être répartie entre plusieurs personnes, le majordome est responsable de la salle à manger, de la cave à vin et de l'arrière-cuisine. L'épithète "souverain" inclus dans le titre du livre indique l'étendue de l'autorité dont Louis Villeneuve a joui au cours de sa longue carrière ; en outre, il fait allusion au rôle de "cardinal gris" qu'il exerça auprès de – tour à tour – quatre chefs illustres : Frédy Girardet, élu "Cuisinier du Siècle" par Gault&Millau, Philippe Rochat, Benoît Violier et pour finir Franck Giovannini, tous trois triplement étoilés au Guide Michelin.
Officiellement, le titre de Louis Villeneuve est celui de “chef de salle”. En consultant un site professionnel français de restauration, j’ai appris que les principales tâches du titulaire consistent à superviser l'ensemble du personnel de la salle, à développer la rentabilité du restaurant en adéquation avec les objectifs fixés par la direction et à gérer et développer les relations avec les clients.
Quelles sont les qualités requises pour réussir dans cette fonction ? Connaissance approfondie de l'accueil et du travail en salle ; capacité à diriger une équipe ; excellente présentation ; excellente maîtrise du français et, de préférence, de langues étrangères. Ensuite vient la liste des diplômes à présenter. À ces qualités demandées, j’ajouterai la confiance en soi. Or Louis Villeneuve n'en manque nullement : même très jeune, il ne doute jamais de ses qualités de service, de sa bonne humeur et de son entrain.
Louis Villeneuve n'est pas diplômé de l'EHL, mais il prendra toujours une longueur d'avance sur n'importe quel diplômé de la meilleure école hôtelière qui fait la réputation de la Suisse. Son charme, à la fois naturel et professionnel, s’est développé au fil des ans. C'est là un self-made-man absolu ; voilà pourquoi, à mon avis, son exemple mérite de servir à tous ceux qui se trouvent encore au début de leur carrière.
Rien pourtant ne laissait présager le côtoiement des grands de ce monde par ce garçon aux yeux bleus, né le 1er décembre 1948 dans une petite ville de Bretagne, au sein d'une famille de paysans et tôt habitué aux durs travaux manuels comme à la lutte contre les aléas climatiques. Mais ses penchants, eux aussi, se sont manifestés très tôt. « De toutes les activités quotidiennes de la ferme, la préparation des repas est celle qui me captive le plus. Il faut toujours que je sache ce qu’il y aura à midi sur la table du déjeuner. Et c’est moi qui annonce le menu à mon père quand il revient du labeur », se souvient Louis Villeneuve avec un plaisir évident.
La vie à la ferme n'est pas facile après la Seconde Guerre mondiale, époque où l'industrie se développe au détriment de l'agriculture et où les jeunes migrent vers les villes. La majorité de la population est pauvre : « Un ouvrier gagne en moyenne 580 francs (90 euros) par mois, quand un transistor bas de gamme coûte 245 ». D’abord, Louis décide de suivre les traces de son père en s'inscrivant dans une école d'agriculture. Très vite pourtant, il se rend compte que cette filière n’est pas pour lui. Il se déniche donc des emplois temporaires, à temps partiel, dans divers restaurants – en tant que serveur –, adopte les compétences du majordome auprès d’un ancien boxeur, apprend à cacher son excitation à la vue de visiteurs célèbres.
C'est alors qu'intervient Sa Majesté Chance, laquelle amène Louis Villeneuve en Suisse, à l'hôtel Alpenrose, géré par le couple von Siebenthal. « Ce n'est pas loin de Gstaad, une station réputée auprès des amateurs de ski et de bonne chère. Il paraît que les stars du monde entier s’y donnent rendez-vous dans de somptueux chalets avant d’aller danser au Palace, ce haut lieu de la jet-society où les clients sont traités comme des membres de la famille par les hôteliers ». (Lisant ces lignes, comment ne pas penser au dernier film de Roman Polanski, dont je vous parlais récemment ?)
Le temps viendra pour Louis Villeneuve de connaître à son tour la célébrité : en 1995, il reçoit le diplôme de Maitre d’hôtel suisse de l'année ; de même fréquente-t-il les grands (ou simplement les riches) de ce monde. Sur les photos incluses dans le livre, on le voit par exemple mettre une cape sur les épaules de Salvador Dalí ou sourire à côté de Sylvie Vartan.
Mais derrière le côté glamour d’une telle vie, se dissimule le travail quotidien ; une somme de travail qui oblige Louis Villeneuve à se dépenser physiquement et émotionnellement (d'où l'importance du vélo !). Sans compter le stress permanent… et une série de tragédies : la mort de sa fille dans un accident de voiture ; la mort de l’épouse de Philippe Roche dans les Alpes, puis la sienne ; le suicide de Benoît Violier...
Quant aux détails piquants ou savoureux… Ne vous attendez pas à en trouver dans cet ouvrage : la discrétion est, pour un majordome, une autre qualité indispensable. Peut-être même la plus importante.
Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.
En 2022, elle s’est trouvée parmi celles et ceux qui, selon la rédaction du Temps, ont « sensiblement contribué au succès de la Suisse romande », parmi les faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels – le Forum des 100.
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