La force du destin, ou La guerre dans un pays neutre

04.11.2025
Photo © Monika Rittershaus

Après trois ans d'absence, la soprano russe de renommée mondiale Anna Netrebko est de retour à l'Opernhaus Zürich. Elle y interprète la Donna Leonora de La forza del destino, chef-d'œuvre de Giuseppe Verdi commandité par le tsar Alexandre II et présenté pour la première fois au public à Saint-Pétersbourg. La première zurichoise a eu lieu le 2 novembre, malgré une demande d’annulation émanant de l'ambassade d'Ukraine en Suisse.

Si l'on considère qu’une mauvaise publicité reste une publicité, Anna Netrebko en a fait l'expérience à fond. Et le résultat est là : les billets pour les cinq représentations auxquelles elle participe ont été vendus bien avant la première. À ma connaissance, aucun événement culturel en Suisse n'a été précédé d'autant de rumeurs, de controverses, d'anticipation joyeuse d'un côté, et d’attaques frontales de l'autre. La presse suisse n’a pas manqué de publier plusieurs articles rappelant les péchés et erreurs passés (selon les auteurs) de la chanteuse russe, sans toutefois qu’y figure aucune accusation précise à son encontre pour ce qui touche au présent. Seulement des allusions, conjectures et suppositions accompagnées d'une abondance de subjonctifs. L'air de Don Basilio, la célèbre Callunnia, me trotte dans la tête, mais il provient du Barbier de Séville. Et nous avons à faire avec La Forza del destino.

Récapitulons brièvement la situation pour ceux qui ne sont pas au courant. Oui, le 6 février 2012, Anna Netrebko a bien été officiellement enregistrée comme mandataire du candidat à la présidence de la Fédération de Russie Vladimir Poutine. Oui, le 7 décembre 2014, elle a fait don d'un million de roubles pour la restauration du théâtre d’opéra de Donetsk, endommagé par les combats, et elle s'est fait photographier avec l'un des leaders séparatistes Oleg Tsarev, tenant dans ses mains le drapeau de Novorossia – photo largement diffusée par les médias. La chanteuse a par la suite expliqué ne pas savoir avec qui elle avait été photographiée, ni de quel drapeau il s'agissait. Peut-on croire à une telle naïveté de la part d'une star habituée à distribuer des autographes et à prendre des selfies avec des inconnus ? Difficilement. Mais a-elle pu évaluer depuis ?

© N. Sikorsky

Le 30 mars 2022, Netrebko a publié sur Facebook un message en russe et en anglais dans lequel elle déclarait être contre la guerre, qu'elle n'était l'alliée d'aucun dirigeant ou parti politique russe et que ses précédentes déclarations avaient été mal interprétées. Par la même occasion elle a ajouté : « Il est incorrect de forcer les artistes ou toute autre personnalité publique à exprimer publiquement leurs opinions politiques et à condamner leur patrie. »

Ses déclarations contre la guerre, quelles que soient les raisons qui les ont motivées, ont suffi pour que les institutions culturelles russes – à commencer par le Théâtre d'opéra et de ballet de Novossibirsk – résilient leurs contrats avec la chanteuse qui, depuis lors, n'a plus donné de représentations dans son pays natal. Cela n'a pourtant pas suffi pour éviter à Anna Netrebko d’être ostracisée en Occident – au moins partiellement. Témoins certains théâtres, à commencer par le Metropolitan Opera de New York, qui ont résilié leurs contrats avec elle. Ce ne fut pourtant pas le cas de tous, si bien que chacune de ses apparitions en Europe – à Milan où elle a ouvert la saison dernière dans le rôle de Leonora, à Vienne, Paris, Berlin, Londres – s’est mué en événement… même si des protestations eurent et continuent à avoir lieu devant le théâtre le jour de la première. Ainsi, en septembre dernier, Netrebko a interprété le rôle de Floria Tosca à Covent Garden devant lequel se tenaient des militants pro-ukrainiens munis des pancartes proclamant : « While Netrebko sings, Ukraine bleeds » (« Pendant que Netrebko chante, l'Ukraine saigne »).

© N. Sikorsky

Notons toutefois que, dès le lendemain, les manifestants disparaissent et que la salle, elle, est pleine. Que demander de plus à la direction ? J’ai moi-même été témoin d'une situation similaire l'été dernier à Vienne, où Anna Netrebko chantait Lisa dans La Dame de pique. (À propos, la chanteuse ayant intenté un procès au Met, un juge américain, reconnaissant le bien-fondé de ses revendications, a condamné – à en croire le New York Times – le théâtre à lui verser 200 000 dollars à titre de compensation pour les 13 représentations annulées.)

La Suisse, pour sa part, n'est pas restée en retrait. Ainsi, le 26 mars 2022, le Tages Anzaiger publiait un article intitulé : « La diva silencieuse » et suivi du sous-titre suivant : « Elle condamne la guerre agressive, mais pas Poutine : verrons-nous un jour la grande chanteuse d'opéra russe sur les scènes occidentales ? » La réponse à cette question est connue depuis longtemps : nous l'avons déjà vue – et plus d'une fois !

En mars 2022, l'Opéra de Zurich annonçait qu'Anna Netrebko ne se produirait pas dans l'opéra Macbeth aux dates annoncées. Elle fut remplacée par une autre cantatrice Russe, Veronika Dzhioeva, à qui personne n'a demandé de prendre position. J’en ai parlé dans l'article « Avec qui êtes-vous, maîtres de la culture ? » , en soulignant que la direction du Opernhaus Zürich avait accompagné sa décision d'une explication détaillée, rédigée dans les termes les plus respectueux. Oui, on peut dire beaucoup de choses, même des choses pas très agréables – voire carrément désagréables –, mais la question est de savoir comment. On peut supposer qu'Anna Netrebko a apprécié la retenue dont il a été fait preuve, ce qui lui a permis de revenir à Zurich.

En 2023, le nouveau directeur de l'Opéra de Zurich, Matthias Schulz, a osé inviter Anna Netrebko à l'Opéra Unter den Linden de Berlin, qu'il dirigeait à l'époque, sans craindre la vague d'indignation. Deux ans plus tard, après avoir pris ses nouvelles fonctions à Zurich, il a confirmé sa position dans une interview qu’il m’a accordé ; il y déclarait : « Anna Netrebko est sans conteste la meilleure Leonora au monde, et nous voulons l'entendre dans ce rôle dans La forza del destino. À Berlin, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de discuter avec elle, de mieux la connaître et d'apprécier son comportement irréprochable et l'énorme succès qu'elle a apporté au théâtre. »

Le site suisse Blue News, qui a relayé la nouvelle dix jours avant la première à Zurich, a également reconnu  que, « d'un point de vue artistique », la chanteuse russe était « irréprochable » et a souligné que « les protestations contre Anna Netrebko ne touchaient pas ses fans suisses : les billets pour les cinq représentations de la soprano russe controversée à l'opéra de Zurich étaient tous vendus ».

Quant à Daniel Koch, l’ancien chef du département des maladies infectieuses que nous avons tous connu sous le nom de « Monsieur Corona » pendant la pandémie de coronavirus, et qui est désormais chroniqueur sur le site nau.ch, lui est allé jusqu'à appeler le Conseil fédéral à se prononcer sur la prestation de la chanteuse à Zurich. Anna Netrebko devrait sans doute considérer cette attention comme un compliment.

Le journal francophone Le Temps s'est joint à ce chœur en consacrant vendredi dernier trois articles à Anna Netrebko et à la production zurichoise ; il a en outre appelé à témoigner l'ambassadrice d'Ukraine Irina Venediktova dont la position sur cette question est aussi compréhensible que prévisible. Pas un mot n'a été dit sur les qualités professionnelles de la chanteuse, pas plus qu'aucun fait n'a été rapporté concernant son « comportement répréhensible » au cours des trois dernières années. En revanche, les lecteurs ont appris que l'ambassade d'Ukraine avait demandé au maire de Zurich d'exposer dans la ville le drone russe « Shahed » abattu par l'armée de Kiev. Que je sache, cette demande a été rejetée.

Vendredi soir, la chaîne RTS a elle aussi apporté sa contribution en publiant dans son fil d'actualité une photo manifestement ancienne d'Anna Netrebko avec Vladimir Poutine, citant de plus les propos de l'ambassadrice Venediktova selon lesquels « Anna Netrebko est une arme. Elle est la vitrine du Kremlin », et en donnant un lien direct vers la lettre ouverte de Mme Venediktova du 28 octobre. Une lettre dans laquelle elle exige, au nom de l'Ukraine, l'annulation des représentations de la chanteuse russe à Zurich.

La chaîne de télévision a ensuite cité Roger Nordmann, ancien conseiller national socialiste du canton de Vaud et signataire de cette lettre : « Cette soprano est l'une des 500 personnes qui ont signé la liste électorale pour que Vladimir Poutine puisse être à nouveau candidat aux élections. Ça signifie que c’est l'une des 500 Russes qui soutiennent le plus fortement Vladimir Poutine ». Précisons encore une fois que cela s'est passé en 2012 (!) et que c'est à cette époque qu'a été prise la photo utilisée aujourd'hui comme preuve de la proximité idéologique entre la chanteuse et le président russe.

… Je ne vais pas me prononcer sur la légitimité juridique et/ou morale de tous ces juges, mais c'est avec ce bagage informationnel et émotionnel que je me suis rendue à la première de La forza del destino à Zurich. Devant l'entrée du théâtre, un groupe d’une vingtaine de personnes était présent, drapeaux ukrainiens en main. Les spectateurs passant devant eux étaient informé qu'« Anna Netrebko est un instrument du Kremlin ». Le programme du spectacle était accompagné d'un feuillet doté d’un code QR grâce auquel chacun pouvait prendre connaissance de la position du directeur du théâtre sur la question de l'invitation de la chanteuse russe. Je n’ai remarqué aucune mesure de sécurité particulière.

Il convient de rappeler que cet opéra de Giuseppe Verdi a un lien très direct avec la Russie – et ceci pas seulement en raison de la participation d'artistes russes à la production zurichoise : outre Anna Netrebko, il s'agit en effet d'Elena Guseva (deuxième Leonora) et de Stanislav Vorobiev (marquis di Calatrava) auxquels certains ajouteront, peut-être par méconnaissance, le ténor azerbaïdjanais Yusif Eyvazov. Le fait est que la création de cette œuvre est, pour employer un langage actuel, le résultat d'une « commande d’État russe ». En janvier 1861, quelques semaines avant l'abolition du servage en Russie, Giuseppe Verdi répondait favorablement à la demande du tsar Alexandre II, formulée dans une lettre de l'autocrate de l'époque, qui fut transmise au grand compositeur par le célèbre ténor italien Enrico Tamberlik.

En fait, Verdi avait envisagé de composer un opéra sur le thème de Ruy Blas, la pièce de Victor Hugo, mais celle-ci était alors interdite en Russie en raison de ses idées libertaires jugées dangereuses. Si bien que, le 3 juin 1861, le compositeur acceptait comme base littéraire le drame de l'écrivain et homme politique espagnol, le marquis Ángel Saavedra, intitulé Don Alvaro, ou La Force du destin, qui lui avait été proposé par le théâtre impérial, et confiait la rédaction du livret à Francesco Maria Piave. La musique fut composée entre juin et novembre de la même année, et en décembre Verdi arrivait à Saint-Pétersbourg pour participer aux premières répétitions. Il faillit bien rompre le contrat en raison de la maladie de la soprano Emma La Grua, pourtant une solution fut finalement trouvée et, après six semaines de répétitions, le 10 novembre 1862, l'opéra fut créé sur la scène du Théâtre Bolshoï de Saint-Pétersbourg (actuel Théâtre Mariinsky) par la troupe impériale italienne, dans une mise en scène d'Enrico Tamberlink en personne qui chantait le rôle de Don Alvaro, et avec des décors d'Andreas Roller. (Notez que sur l'affiche originale russe, Giuseppe Verdi est pour une raison quelconque nommé Joseph). Ce n'est que le 27 février 1869 que La forza del destino fut présentée dans sa deuxième version, avec un livret remanié par Antonio Ghislanzoni, au théâtre La Scala de Milan. Il convient de noter qu'au moment de cette première représentation à Saint-Pétersbourg, le public russe ne sut pas apprécier à sa juste valeur la beauté de la musique de Verdi – cela en raison de facteurs externes : certains furent scandalisés par le fait que l'opéra ait pu être commandé à un compositeur étranger alors qu'il existait des génies nationaux, d'autres par la somme colossale dépensée pour la mise en scène.

Les thèmes principaux de cet opéra sont tout à fait traditionnels pour ce genre en général… et pour Verdi en particulier : l’opposition entre l'amour et la haine, le conflit entre les sentiments véritables et les préjugés sociaux, auxquels s'ajoutent cette fois-ci les préjugés raciaux. En voici un bref résumé. L'aristocrate Leonora di Vargas tombe amoureuse de Don Alvaro, descendant d'Indiens péruviens bien qu’issu d'une ancienne famille. Une alliance avec un étranger, qui plus est basané, est impossible, et le marquis di Calatrava, père de Leonora, lui ordonne d'oublier son prétendant. Un jour, surprenant Alvaro dans la chambre de sa fille, il le couvre d'insultes et l'accuse d'avoir déshonoré Leonora. Alvaro, qui ne veut pas recourir aux armes, jette ostensiblement son pistolet, mais... un coup de feu retentit. Un coup de feu involontaire, mais qui blesse mortellement le marquis – lequel, juste avant de mourir, maudit sa fille. Leonora décide alors de se retirer dans un couvent – que lui reste-t-il d'autre à faire ? Son frère Don Carlos (à Zurich, magnifiquement interprété par le baryton roumain George Petean) la recherche, comme il recherche Alvaro pour s’en venger. Ayant perdu tout espoir, il s'engage dans l'armée sous un faux nom – une sorte de couvent pour hommes. Un jour, voyant des brigands attaquer un inconnu, il le sauve et, sans se douter que celui qu'il a sauvé est Don Alvaro, lui jure une amitié éternelle, puis, après avoir compris la situation, le provoque en duel. Alvaro se retire dans un couvent où se cache Leonora – il ne veut pas d'un nouveau bain de sang. Mais Don Carlos l’y trouve et le force à prendre les armes. Alvaro blesse Carlos. Leonora se penche sur son frère blessé… qui la tue. La magnifique aria-prière « Madre, pitosa Vergine », dans laquelle Leonora demande à être protégée de son frère, ne la protège guère. Selon la première version de l'opéra, au final, Alvaro se suicidait ; toutefois Verdi a plus tard supprimé ce suicide, estimant sans doute que c'était trop.

Et à présent, qu'ai-je vu et entendu à l'Opéra de Zurich ?

Si, à Saint-Pétersbourg, les premiers spectateurs de l'opéra pouvaient voir défiler devant leurs yeux des intérieurs gothiques des châteaux familiaux, des paysages rocheux sombres et des monastères médiévaux – ce qui est logique, puisque l'action se déroule en Espagne et en Italie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle –, les mélomanes zurichois découvraient des images tout à fait différentes, et seule une allusion aux vitraux dans les scènes du monastère rappelle la source originale.

L'auteure de la mise en scène, la réalisatrice argentine Valentina Carrasco, a collaboré de 2000 à 2020 avec la troupe de théâtre catalane La Fura dels Baus, connue pour ses scénographies inattendues et l'effacement des frontières entre artistes et public. Elle a en outre participé à de nombreuses productions d'opéra – notamment à la mise en scène de Don Giovanni de Mozart à Perm (Russie), et d’Aleko et de Francesca da Rimini de Rachmaninov à Kiel (Allemagne). Dans un court entretien publié sur le site web de l'Opéra de Zurich, Valentina Carrasco explique que ce qui compte le plus pour elle dans La Forza des destino, c'est la présence constante de la guerre dans le destin des personnages principaux. La metteuse en scène n'a pas exagéré : la guerre est effectivement omniprésente, même lorsque – selon le livret – elle ne devrait pas être visible sur scène. Ainsi, dans la scène où Leonora arrive au couvent, non seulement ont lui coupe les cheveux, mais on lui fait aussi un tatouage sur le bras, on lui fait enfiler un gilet pare-balles et on lui remet un fusil automatique dans les mains. Une partie du public a peut-être trouvé ces détails un peu trop gros, ce qui explique le « Boo » distinct qui a retenti dans la salle lorsque l’équipe assument la régie est sortie pour saluer à la fin du spectacle ; en revanche, tous les solistes – qui ne le méritaient pas tous de la même manière –, de même que le chœur et le chef d'orchestre Gianandrea Noseda, ont été accueillis par des applaudissements enthousiastes, qui se sont transformés en ovation.

En s'attaquant à La forza del destino à Zurich, Valentina Carrasco a décidé de faire un choix intéressant, voire audacieux : transposer l'action non pas dans un pays fictif en guerre, mais concrètement dans la Suisse neutre. Sur fond d'une magnifique ouverture et de son célèbre thème du destin, le spectateur peut voir sur un écran géant une carte de Suisse flanquée d’une route nocturne mal éclairée qui semble la traverser, et que bordent de maisons détruites. Où mène cette route ? Elle mène à la guerre.

Les derniers accords de l'ouverture retentissent. Face au public apparaît alors une somptueuse demeure zurichoise, parée de drapeaux blancs et bleus rappelant le drapeau du canton. À l'une des fenêtres on aperçoit Leonora et son père. Je ne sais pas si tous les spectateurs ont remarqué que cette fenêtre particulière est différente des autres : elle a été détruite par un obus. Ceux qui l'ont remarqué ont pu y voir un avertissement du metteur en scène au public suisse : si vous continuez à respecter votre soi-disant neutralité, la guerre vous atteindra aussi. Il y a peut-être une part de vérité dans cette interprétation, mais pour ce qui me concerne j’ai vu autre chose dans cette mise en scène.

À mon avis, Valentina Carrasco a cherché à souligner, autant qu’il est possible de le faire, l'absurdité initiale de la guerre, débutée par un malentendu, par accident – car on sait avec certitude qu’Alvaro n'a pas déshonoré Leonora et qu'il ne voulait pas tuer le vieux marquis ! – et qui s'est poursuivie à cause de la soif de vengeance et de l'incapacité à s'arrêter ; à cause de l'orgueil des uns et de la cupidité des autres. Dans la scène qui se passe devant le Palais des Nations à Genève, on ne vend pas seulement des hot war dogs ; la voyante Preziosilla (rôle parfaitement interprété par la mezzo-soprano italienne Annalisa Stroppa) appelle, au son des tambours (« Al suon del tamburo »), les jeunes hommes à s'engager dans l'armée ; elle glorifie la guerre et prédit à tous, en chantant, y compris à Don Carlos déguisé en correspondant de guerre, un avenir radieux et prospère : « Si tu veux devenir riche, va là où il y a la guerre ».

Mais il est rare que les soldats s'enrichissent à la guerre ; ce sont bien plus souvent certains politiciens et marchands d'armes qui le font, et qu'on voit dans la scène « Congrès à Davos » (je présume que le mot « congrès » a remplacé « forum » pour des raisons de droits d'auteur, mais tout est clair). Risible s'il n'était pas si tristement reconnaissable, Fra Melitone (interprété avec brio par un magnifique baryton italien, Roberto Frontali), au nom de la Croix-Rouge, distribue de la soupe aux réfugiés, dont il a visiblement marre.

Finale... © N. Sikorsky

Le message principal des auteurs de la mise en scène aux spectateurs se trouve, selon moi, dans le célèbre air Pace, pace mio Dio, chanté par Anna Netrebko peu avant la mort scénique de son personnage. À mon avis, son interprétation a été excellente, et le fait que la voix de la chanteuse de 54 ans soit aujourd'hui plus mûre n'a fait qu'ajouter de la profondeur à cette interprétation. Compte tenu de tout ce que l'on voit auparavant sur scène, elle est perçue non seulement comme une supplication pour la paix pour Leonora elle-même, mais aussi comme une prière pour la paix dans le monde entier. Or quand on sait qu'en Russie un prêtre peut être déchu de ses fonctions pour une telle prière, l'effet de l'air est encore plus fort. Conformément à l'intention des auteurs de la mise en scène, Leonora le chante dans une salle qui rappelle la salle de réunion de l'ONU – peut-être la salle du Conseil de sécurité ? Mais comment faire en sorte que cette prière soit entendue par ceux qui ont vraiment le pouvoir de changer les choses ? Est-ce vrai qu’on n’échappe pas à son destin ? Ou en sommes-nous les maîtres ?

PS: le spectacle La Forza del destino sera jouée encore neuf fois à l'Opéra de Zurich. Vous trouverez toutes les informations pratiques ici

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