À quoi sert la littérature, si elle n’a pas pu empêcher le Goulag, ni l’invasion de l’Ukraine par la Russie ? Voici la question fondamentale que pose Mikhaïl Chichkine dans ce recueil de textes consacrés à de grands écrivains (Dostoïevski, Gogol, Tchekhov…) et musiciens russes (Prokoviev, Rachmaninov, Chostakovitch).
À travers un kaléidoscope de personnages, d’événements et de symboles, Chichkine nous raconte « l’âme russe » qui, comme il le rappelle, est un concept inventé par un voyageur allemand. Plusieurs essais évoquent la confrontation entre l’artiste et le pouvoir, ou encore la question, cruciale pour l’auteur, de l’émigration : peut-on emporter son pays avec soi, et peut-on créer hors de la Russie, quand on est russe ?
Dans Le Bateau de marbre blanc, Chichkine montre que l’écrivain, le peintre, le musicien, pressent ce qui va arriver dans le futur. Le carré noir de Malevitch constitue sa vision du xxe siècle qui s’ouvre : la Première Guerre mondiale, la guerre civile, le Goulag. Aujourd’hui, le pouvoir despotique en Russie tente de briser la culture de son propre pays ; mais la littérature russe continue à vivre, par les textes, et à faire entendre des voix dissidentes.
Né à Moscou en 1961, Mikhaïl Chichkine vit en Suisse depuis 1995. Il est le seul écrivain à avoir reçu les trois grands prix littéraires de son pays, pour ses romans La Prise d’Izmail, Le Cheveu de Vénus (Fayard, 2003 et 2007) et Deux heures moins dix (Noir sur Blanc, 2012). Considéré comme l’un des auteurs les plus importants de la littérature russe contemporaine, Chichkine s’oppose au régime de Poutine depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Il publie aujourd’hui des tribunes dans les plus grands journaux internationaux : le New York Times, The Guardian, la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Le Monde… En 2022, il a reçu le prix Strega Européen.