Fandango est l’une des plus longues nouvelles d’Alexandre Grine. Si elle ne fut publiée qu’en 1927, la date de sa rédaction remonte certainement à 1924, année de parution de L’Attrapeur de rats, dont l’intrigue est rigoureusement contemporaine. Fandango s’appuie sur la confrontation entre la réalité (Petrograd en 1921, le froid et la faim) et le monde fantasmagorique de la peinture : un homme traverse un tableau pour se retrouver dans un univers imaginaire. On y retrouve, non pas en toile de fond, mais au premier rang, le Pétersbourg affamé et dévasté des années d’après-guerre, un héros famélique, et surtout plusieurs détails qui en font une sorte d’œuvre miroir et la rattachent à L’Attrapeur de rats aussi solidement que si l’auteur y avait écrit le mot « suite ».
Tour à tour apprenti matelot, vagabond, chercheur d’or, bûcheron, flotteur de bois, soldat, déserteur et révolutionnaire, Alexandre Grine (1880-1932) connut la misère la plus noire, la faim, l’exil et la prison. Autodidacte, nourri de littérature populaire, riche d’une étrange érudition construite au hasard de ses lectures, de ses rencontres et de ses voyages, il finit, vers 1905, par se consacrer exclusivement à la littérature, s’imposant peu à peu parmi les auteurs les plus singuliers du xxe siècle.