Rouge incandescent

05.04.2024
Nicolas de Stael. Agrigente, 1953/1954. Suisse, collection particulière Photo Thomas Hennocque © 2023, ProLitteris, Zurich

En collaboration avec le Musée d'Art moderne de Paris, la Fondation de l'Hermitage à Lausanne vous invite à une rétrospective d'une figure emblématique de la scène artistique de l'après-guerre.
 
Le 16 mars 1955, Nicolas de Staël ferme la porte de son atelier d'Antibes, monte sur la terrasse et se jette dans le vide… il a quarante-et-un ans. Son dernier tableau, Le Concert, reste inachevé. Il est de couleur rouge, nerveux comme la mer où flottent des instruments de musique. Le spectateur s'y noie, s'y perd. Le tableau excite, surprend par sa taille inhabituelle, son style et ce rouge ardent et fascinant. Pourquoi cette couleur rouge ? Pourquoi, après des années d'abstraction, le retour à la figuration ? Pourquoi cet artiste au sommet de sa gloire a-t-il décidé de se suicider ?
 
Le Concert se trouve au musée Picasso d'Antibes, et toutes ces questions auxquelles nous ne trouverons guère de réponses sont posées dans l’ouvrage Ce rouge incandescent d’Aurélia Cassigneul-Ojeda ; celle-ci n’est ni historienne de l'art ni d'origine russe, mais simplement une institutrice française fascinée par l'œuvre du « petit prince » de Saint-Pétersbourg qui a échappé aux horreurs de la révolution de 1917 et a immortalisé la beauté de la Méditerranée. « C’est la nuit à Antibes et la ville est tranquille. Pas un bruit dans la rue de Revely qui surplombe l’atelier <> Assis dans son atelier, un homme n’entend rien, ne voit rien de tout cela. Il range et trie. Il écrit. Des lettres. <> Toute la journée, il s’est battu avec une toile. Elle est géante et rouge. Il est géant et gris. Ivre de désespoir. » Le livre est paru l'année dernière, à l'occasion de la rétrospective Nicolas de Staël au Musée d'Art moderne de Paris, qui a connu un grand succès. Il est désormais disponible à la boutique de la Fondation de l'Hermitage à Lausanne, où l'exposition parisienne sera montrée jusqu'au 9 juin.
 
Comme il est aisé de trouver des biographies de Nicolas de Staël, je me contenterai ici de rappeler quelques faits essentiels. Prénommé Nicolaï à sa naissance, le futur peintre naît le 5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg dans une famille riche de la noblesse : son père, le baron Vladimir Staël von Holstein, issu d'une ancienne famille balte, est général de l'armée russe et dernier commandant de la forteresse Pierre-et-Paul ; sa mère, Lioudmila Berednikova, a grandi dans une célèbre famille d'éditeurs de Saint-Pétersbourg et est une parente du compositeur Alexandre Glazounov. Après la révolution bolchevique, le baron von Holstein est contraint de se cacher avec femme et enfants dans la maison de Glazounov pendant quinze mois, et ce n'est qu'en 1919 qu'ils réussissent à émigrer en Pologne.
 
Le calme relatif ne dure pas longtemps : en 1921, le chef de famille meurt ; un an plus tard, c’est au tour de sa femme de décéder, et les enfants se retrouvent orphelins. Heureusement, ils sont adoptés par les Belges Emmanuel et Charlotte Fricero, qui les élèvent comme leurs propres enfants et leur donnent une bonne éducation. Il est à relever que les parents adoptifs ont conservé le nom de famille et le titre baronnial des enfants et qu'ils ont veillé à ce que ceux-ci n'oublient pas leurs racines : un professeur de russe leur enseigne la langue, on leur lit à haute voix des œuvres de la littérature russe, et lorsque Nicolas montre des dispositions pour la peinture, les parents adoptifs créent les conditions nécessaires pour qu'il puisse développer son talent.

La première exposition de Nicolas de Staël a lieu à Bruxelles en 1936, où l'influence des abstractionnistes est perceptible et où sa propre personnalité pittoresque se fait immédiatement remarquer. Une autre exposition marquante a lieu en 1944 dans Paris occupé : Jeanne Boucher, propriétaire d'une célèbre galerie, décide d'organiser une exposition semi-illégale où les œuvres de Nicolas Staël sont exposées à côté des tableaux de Kandinsky et de Picasso. Après la libération de la France, de telles expositions deviennent régulières, et le nom de Nicolas de Staël prend place au même rang que des maîtres reconnus. Bientôt la renommée de l'artiste dépasse largement les frontières de la France. Après l'exposition de 1953 à New York, où ses 25 tableaux exposés sont tous vendus, de Staël devient millionnaire : la conclusion d'un contrat avec le célèbre marchand d'art américain Paul Rosenberg, grand-père de la vedette de télévision française Anne Sinclair, a contribué à accroître sa fortune.
 
Pourquoi donc tomber dans la dépression ? Le 16 mars 1955, dans la rue Revely à Antibes, un riverain de passage découvre le corps sans vie de l'artiste. Bien que le rapport de police évoque "un acte de désespoir", nul soupçon d’un acte impulsif : la veille de sa mort, Nicolas de Staël est allé consulter un avocat pour savoir comment ses enfants seraient pris en charge au cas où il lui arriverait quelque chose. Une rare preuve de responsabilité.
 
En quinze ans de vie artistique, Nicolas de Staël a réalisé plus d'un millier de tableaux, dont certains sont aujourd'hui estimés à plusieurs millions de dollars. L'une de ses dernières œuvres, Nu couché, a été vendue pour plus de 7 millions d'euros en 2011. Mais, comme c'est souvent le cas avec les prophètes, en particulier en Russie, ce n'est qu'en 2003 qu'une grande exposition de l'artiste a finalement eu lieu à Saint-Pétersbourg.
 
Beaucoup d'hypothèses existent sur les raisons de son suicide – qui resteront toutefois des hypothèses… L’unique chose qui semble claire est qu’un succès extérieur ne donne pas nécessairement la paix intérieure – dont l'absence est démontrée par les peintures de Nicolas de Staël. Le rouge, toujours le rouge…
 
PS Après la publication de l’annonce de l’exposition en russe, j’ai reçu ce message d’un lecteur inconnu. Je le partage avec vous comme tel, accompagné d’une vidéo.
 
«Bonjour, Mme Sikorsky, j'espère que vous allez bien. On m'a conseillé de vous contacter au sujet de ma découverte. J'ai trouvé dans mes archives familiales des instructions détaillées de Nicolas de Staël pour décrypter ses peintures.
Mon grand-père Jean Quéré était ami avec Nicolas qui lui a confié un secret selon lequel ses peintures étaient cryptées avec sa signature qu'il utilisait comme mécanisme générateur de ses peintures. Il lui a donné la « clé » pour déchiffrer son code. Une fois que vous avez vu la clé, il est impossible de ne pas la voir. J'ai joint une photo d'un de ses chefs-d'œuvre "Composition 1950" que j'ai mise en évidence pour que vous puissiez voir clairement sa signature qui regardait tout le monde en face tout le temps et personne ne le savait ! Les autres ne sont pas si évidents et nécessitent la clé qui se présente sous la forme d'un paysage marin codé dans lequel il suffit d'aligner le modèle algorithmique pour déchiffrer sa signature codée dans ses tableaux. <> Il a également utilisé la forme de sa signature comme son « nombre d'or » personnel pour ses peintures. L'algorithme qu'il utilise pour sa signature est irréfutable. Il utilise également divers symboles pour les lettres, un symbole intelligent est un pentagone qui représente la lettre « E » car « E » est la cinquième lettre de l'alphabet, et les pentagones ont cinq côtés.

Une vidéo brève que j'ai réalisée et qui révèle son code à l'aide de la clé. »

La voici. Bon visionnage.


 

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A PROPOS DE CE BLOG

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’Université d’Ètat de Moscou. Après 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

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