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Y a-t-il encore de la place pour les idéalistes ?

29.10.2020.

J’ai récemment donné mon premier séminaire, en anglais, aux étudiants de la Geneva School of Diplomacy, une institution privée située dans le quartier de l’ONU et autres organisations internationales, préparant justement les cadres à leur intention. Il y avait une soixantaine des jeunes dans ma classe, online et offline mélangés, de tous les coins du monde : Suisse, Italie, Inde, États-Unis, Kenya, Émirats… Tous charmants, très polis et témoignant de l’intérêt pour le sujet proposé : « Diplomats and journalists: the importance of being idealists ». Hélas, personne n’a saisi mon allusion à la célébré pièce d’Oscar Wilde, « The importance of being ernest », personne n’ayant lu la pièce et deux personnes seulement ayant vaguement entendu parler de l’auteur. Idem pour le Genevois Albert Cohen et sa « Belle du Seigneur » - bien que ce magnifique roman leur donnerait quelques indications bien utiles sur leur futur milieu professionnel demeuré presque inchangé depuis les années 1930. Reste que cela a ouvert le dialogue et permis d’aborder tout de suite la question d’identité, réelle et fausse, supprimée et exposée. Les enfants – qu’ils me pardonnent cette familiarité – sont entrés dans le jeu. M’étant présentée, je leur ai demandé d’en faire autant en ajoutant aux « nom/pays » habituels une rapide, et en une seule phrase, réponse à la question « Pourquoi veux-je devenir un diplomate ? » Une seule personne, une jeune femme de la Malaisie, a donné la réponse que j’espérais entendre de tous. « Je veux changer le monde pour le mieux », a-t-elle dit. Une idéaliste seulement sur soixante. Quelle déception ! Mais, comme on dit en français, la sauce a bien pris et notre échange – où j’avais limité la partie théorique au strict minimum – a été productif et, pour moi, très intéressant : ces jeunes avaient plein de choses à dire! Nous avons parlé des origines de nos métiers réciproques, des similitudes et des différences de nos « cahiers de charges », des moyens par lesquels nous formons l’opinion publique, des privilèges et des dangers, de la possibilité de garder son indépendance d’opinion, des qualités dont il faut disposer pour les exercer au mieux. Leur liste fut vite faite: convictions, honnêteté, persévérance, culture générale, esprit critique, bonne résistance psychologique… Nous avons examiné des cas concrets et hypothétiques. Nous avons également essayé de trouver la meilleure définition à la notion d’idéaliste, quelque part entre un rêveur ordinaire, un visionnaire et une personne qui croit aux valeurs supérieures… Malgré cette ambiguïté et au bout de deux heures d’une discussion fort animée, tous mes adorables interlocuteurs se déclaraient prêts à s’afficher avec une pancarte « Je suis un/une idéaliste ». C’est ainsi que je pense avoir accompli ma mission. Et si en plus ils se mettent à lire !..  

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